Évènement du 25 décembre 1156 :
Décès de l’abbé de Cluny, Pierre dit le Vénérable.
Qui est-il ? sa famille, sa jeunesse :
Pierre-Maurice de Montboissier est né en Auvergne, certainement au château de Montboissier, vers 1092, dans une famille noble auvergnate, il est le fils de Pierre-Maurice ou Hugues-Maurice
de Montboissier, seigneur de Montboissier, et de Raingarde de Semur-en-Brionnais.
Il a de nombreux frères ecclésiastiques, Héraclius de Montboissier, archevêque de Lyon (1152-1163), Ponce de Montboissier, abbé de Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (1138-1161),
Jordan de Montboissier, abbé de l'abbaye de la Chaise-Dieu (1146-1157), Armand de Montboissier, abbé de Manglieu, et Eustache de Montboissier, abbé de Mozac.
Par sa mère, il est un membre de la famille seigneuriale bourguignonne de Semur-en-Brionnais, il est le petit-fils du seigneur Geoffroy II de Semur, le petit-neveu de l’abbé de Cluny,
Hugues Ier de Semur (1049-1109), le cousin de l’évêque d’Auxerre Hugues II de Semur (1115-1136), et le cousin-germain de Renaud de Semur, abbé de Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay (1106-1128) puis archevêque de Lyon
(1128-1129).
Il est destiné au cloître par ses parents, Pierre est d’abord oblat au grand prieuré de Sauxillanges, qui dépendait de l'ordre de Cluny. Entre 1110 et 1120, il est écolâtre, puis
prieur de Sainte-Marie-Madeleine de Vézelay et, en 1120, prieur de Domène, près de Grenoble.
Abbé de Cluny :
Il n'a que trente ans le 21 août 1122, quand il est élu le 9ème abbé de
Cluny, à la place de l'abbé Pons de Melgueil, obligé de démissionner après sa convocation par le pape
Calixte II à Rome, suite aux plaintes de l’évêque de Mâcon. Pons se retira en Palestine.
Il doit dans un premier temps, affronter la crise institutionnelle provoquée par son prédécesseur, qui tenta vainement de reprendre le pouvoir en 1125, alors qu’il était en déplacement.
On parle d’un sac et d’un pillage de l’abbaye par les partisans de Pons. Le pape Honorius II condamne cette tentative de « coup d’état » et excommunie Pons.
Pierre hérite d’une charge d'un ordre immense, qui jouissait d'un prestige incomparable et continuait de s'accroître, il eut la sagesse de l'organiser.
Le faste, la vanité et ses goûts mondains et légers de Pons avaient laissé de graves abus dans la discipline monastique. Beaucoup de relâchement dans l’abbaye, l’usage du vin et de
la viande, un goût prononcé pour les riches vêtements et les belles fourrures, peu de respect pour la règle voilà les dispositions que Pierre Vénérable trouva dans la plupart des moines à son entrée en charge.
Pour se faire aider, dans les réformes de l’Ordre, Pierre nomma grand-prieur de Cluny, Mathieu, ancien moine de Cluny et prieur de Saint-Martin-des-Champs et futur cardinal d’Albano.
En mars 1130, Pierre le Vénérable, tout comme
Bernard de Clairvaux, soutint le pape Innocent II contre son rival l’antipape Anaclet II, malgré le fait que ce dernier était un
ancien moine clunisien, et l’aida à mettre fin au schisme.
Innocent II vient se réfugier en France, à Cluny directement.
L’abbatiale de Cluny III fut terminée par Pierre, entre 1122 et 1130, c’était un bâtiment roman d'une grandeur exceptionnelle, avec ses 187 m de longueur pour une largeur de 90 m
au niveau du transept, une quarantaine de mètres en élévation sous la coupole du grand transept, cinq nefs, deux transepts, 301 fenêtres, cinq clochers. Elle était, à son époque, le plus grand bâtiment de la chrétienté,
titre qui ne lui sera ravi que cinq siècles plus tard par la basilique Saint-Pierre de Rome. Elle fut surnommée
Maior Ecclesia (« La plus grande église »). Le 25 octobre 1130, elle est consacrée par le pape Innocent II, avec la présence de très nombreux prélats du royaume.
Cluny III :
En 1132, peu de temps, après le retour du pape en Italie, après avoir reçu le soutien de l’Église de France, les Clunistes réclamèrent aux monastères cisterciens, bâtis sur leurs
terres, les dîmes qui leur étaient dues, les Cisterciens refusèrent de payer et montrèrent un bref d’Innocent qui exemptait les monastères de l’Ordre de Cîteaux de toute dime et de toute redevance envers toute autorité
religieuse et laïque.
Ce bref rendu par Innocent frappait Cluny au cœur. Il l’atteignait dans ses intérêts matériels puisqu’il diminuait considérablement ses revenus fonciers, il lui causait en plus
un grave préjudice moral puisqu’il détachait Cîteaux de la suprématie de Cluny et qu’il mettait le nouvel Ordre au même niveau que l’ancien.
En 1132, Pierre réunit le premier chapitre général de l’Ordre Clunisien, avec deux cents prieurs et plusieurs centaines de moines. Après le relâchement qu’avait connu Cluny
sous son prédécesseur Pons, et à l’exemple de Cîteaux en plein développement, Pierre essaye de modifier les coutumes et les règlements de Cluny à l’exemple des cisterciens. Mais la plupart des moines lors des
premiers chapitres clunisiens y sont farouchement hostiles.
En 1134 il assiste au concile de Pise au cours duquel le pape avait excommunié les partisans d’Anaclet et l’hérétique Pierre de Brueys.
En 1139, il est présent au concile de Latran, ou il défend son Ordre et combat l’hérésie cathare.
En 1143, il est en Espagne et fait traduire pour la première fois, le Coran en latin.
Il assiste à la grande assemblée convoquée par le roi Louis VII à Chartres en 1146, cérémonie présidée par Suger et Bernard de Clairvaux, pour décider des modalités de la deuxième croisade.
En 1146 Pierre le Vénérable convoqua à Cluny un Grand Chapitre, de tous les prieurs de l’Ordre, là en présence des représentants de la congrégation entière, il promulgua officiellement
la loi nouvelle. Le nouveau règlement de l’Ordre composé de 76 statuts ne laissait subsister aucun des abus qu’il avait découvert en arrivant.
Le pape Eugène III
lors de son voyage en France, pour présider le synode Paris, passe par Cluny
et rend visite à l’abbé, Pierre le Vénérable, le 26 mars 1147, dans son
abbaye mâconnaise. En juin 1147, le pape Eugène III réduit l’abbaye de
Baume-les-Messieurs au rang de simple prieuré suite à l’insulte qu’avait
reçue l’envoyé du pape par les moines de Baume, et rattache ce prieuré à
Cluny. Pierre ira en 1148 à Besançon, recevoir de
l'archevêque, Humbert de Scey, la
confirmation de cette donation.
On a évoqué son conflit avec Bernard de Clairvaux, mais qui n’était qu’un tournoi d’idées avec les armes de la paix. Il s'agissait plus de la rivalité entre un Ordre qui se trouvait
en possession d'un passé prestigieux de plus de deux siècles, solidement implanté et qui possédait à Cluny la plus belle et plus grande église de la chrétienté, et un Ordre récent, dont les petites abbayes se
multipliaient très vite, avec la fraîcheur et l'impétuosité de la jeunesse.
En fait, Pierre et Bernard s'estimèrent, mais le premier ne partageait pas la fougue du second. Pierre eut besoin de tout son savoir-faire et de ses qualités de négociateur pour
défendre l’esprit clunisien contre le dynamisme de Cîteaux. Son influence s’exerça également dans tout l’Occident par l’intermédiaire de ses lettres, où s’expriment à la fois son sens de la mesure et sa sérénité.
L’abbé de Cluny chercha régulièrement à réconcilier les Clunistes et les Cisterciens, mais les moines des deux ordres restèrent sourds à ses nombreuses lettres, qu’il adressa à Bernard de Clairvaux.
Abbé du plus grand monastère de la chrétienté, il ne dédaignait personne. Il sut apprécier le charme des humbles débuts de la communauté des Chartreux, qu’il avait connu lors
de son séjour au prieuré de Domène.
Sous son abbatiat, l’effectif des moines de Cluny passa de 300 à 400, tandis que le nombre de maisons de l’ordre atteignit le nombre de 2000. Mais cette prospérité apparente ne doit
pas faire illusion : l’abbatiat de Pierre fut pénible. Il fut combattu à l’extérieur comme à l’intérieur.
Pierre le Vénérable a été un ardent partisan et défenseur de l’art monastique. Cluny n’était donc pas seulement un centre religieux et politique, c’était aussi un centre artistique
une grande école où les principes de l’art étaient étudiés, calculés et enseignés. Cette école avait ses procédés et ses méthodes, dans différents arts : musique, peinture, sculpture, et architecture. Son influence
s’exerça non seulement dans la grande abbaye mâconnaise, mais également dans toutes les « celles » et tous les prieurés de l’Ordre Clunisien.
Ses dernières années furent tracassées par des dettes criardes, liées à la construction de la nouvelle église connue sous le nom de Cluny III, auxquelles les ressources
traditionnelles ne permettaient plus de faire face, notamment après la suppression de la dime due par les Cisterciens. Pierre le Vénérable parvint à assainir cette situation grâce aux subsides importants qu’il obtint
des rois d’Angleterre et de Castille, mais surtout par une gestion plus rationnelle des domaines fonciers de l’abbaye et en dotant celle-ci d’un véritable budget.
En 1153, à Mâcon, à l’appel de Pierre le Vénérable et du cardinal Eudes, légat pontifical, un synode est organisé pendant trois jours, dans la cathédrale Saint-Vincent de Mâcon
pour statuer sur le rétablissement de la paix, dans la région. Parmi les prélats, il y a l’archevêque de Lyon Héraclius de Montboissier, frère de Pierre le Vénérable, ses suffragants les évêques d’Autun,
Henri de Bourgogne, de Mâcon, Ponce de Thoire, et de Chalon, Gautier de Sercy. Parmi les nobles, le comte de Mâcon, Guillaume IV de Bourgogne, le comte de Chalon, Guillaume II de Thiers, le sire de Beaujeu,
Humbert III, le sire de Brancion, Jocerand IV Gros, le sire de Berzé, Hugues II et d’autres nobles dont les noms ne sont pas cités. Il est décrété que tous les hommes, moines, clercs ou laïcs, et tous les biens
qui appartiennent à Cluny dans la zone comprise entre la Saône, la Loire et le Rhône et les terres qui sont entre la cité d’Autun et le castrum
Camonis (Chagny) au-delà de Chalon, jouiront d’une paix et d’une sécurité complète. Quiconque traversant cette contrée pour se rendre à Cluny devra être maintenu en sécurité avec ses biens.
Les prélats enjoignent aux nobles présents de défendre les personnes et les biens clunisiens, de combattre les malfaiteurs et de les poursuivre jusque dans les châteaux où ils se retrancheraient. Si les moines
le leur demandent, les habitants de Cluny devront également prendre les armes en compagnie de ces nobles et des prélats.
Zone de protection autour de Cluny (synode de Mâcon en 1153) :
En 1153 l'empereur
Frédéric Barberousse le surnomme Vénérable, il mourut, comme il l'avait désiré, le jour de Noël, de l’année 1156, et fut enseveli dans le chœur de l’église abbatiale.
Il fut le dernier des grands abbés de Cluny, avec ses quatre grands prédécesseurs, Odon,
Mayeul, Odilon et Hugues, l’historiographie reconnaissant en lui un des exemples les plus parfaits de l'abbé selon la règle de saint
Benoit.
La statue de Pierre le Vénérable :
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