Évènement du 17 janvier 1131 :

Fondation de l’abbaye cistercienne de Cherlieu en Haute-Saône.
Son histoire
Un prieuré est attesté en ces lieux en 1127 dans une charte d'Anséric, archevêque de Besançon, dont les bienfaiteurs étaient les nobles de Jussey et le comte
Renaud III de Bourgogne,
envers Germain prieur du lieu.
Cherlieu « carus locus » lieu choisi, est fondée en 1131 par la volonté de
Bernard de Clairvaux qui envoie 12 moines de l'abbaye de Cîteaux sous la direction de l’abbé Guy.
L’endroit est conforme à l’Ordre cistercien, il est situé dans un petit vallon boisé à l’écart des villages et des châteaux.
Le comte Renaud III, les familles nobles locales et les chanoines de Besançon favorisent l'abbaye qui se développe malgré quelques conflits avec l’abbé
Bernard de Faverney et
Pierre de Traves, doyen de St-Etienne de Besançon. Bernard de Clairvaux prit fait et cause pour Cherlieu, et fit arbitrer les différends par le pape.
La construction de l'église abbatiale débuta en 1150 et se termina en 1220, ce fut l’une des plus vastes de la province. En forme de croix latine, elle possédait une nef de huit
travées avec deux bas-côtés. Longue de 105 m, elle avait un transept large de 54 m. Les voutes croisées d'ogives culminaient à 22 m. Les façades de la nef et du transept étaient ornées de rosaces et l'église était
éclairée par cinquante fenêtres. Un petit clocher surmontait le croisement du transept. Le chœur, contenant soixante-dix-huit stalles, était entouré de sept chapelles rayonnantes desservies par un déambulatoire
semi-circulaire. Pour sa construction, l'architecte s'inspira de l'abbatiale de Clairvaux pour le chœur et son déambulatoire et de la cathédrale de Langres pour la structure des colonnes de soutien des voutes.
Sa consécration eut lieu certainement en 1204 lorsqu'une assemblée de prélats se réunit à l'abbaye. Le cloitre attenant à l'église était un carré de quatre fois dix arcades.
Avec le développement démographique de la communauté, l’abbé Guy est obligé de fonder de nouveaux monastères, plusieurs abbayes filles voient le jour, Acey en 1136, Hauterive en 1138,
le Gard en 1139, Haut-Crêt en 1143 et Beaulieu fut fondé en 1170 par son successeur. L’abbé avait autorité sur plus de 600 moines.
À la mort de l'abbé Guy, en 1157, l'abbaye avait assis son influence et acquis la protection des papes Innocent II et Eugène III. De plus, richement financée par les seigneurs
régionaux (les seigneurs de Jonvelle, de Neufchâtel, de Montfaucon, de Montbéliard, de Pesmes, de Jussey, de Rougemont), l'abbaye de Cherlieu devient rapidement une place forte, influente et prospère. L'abbaye
s'agrandit et acquiert des terres. Les moines et les convers construisent sur les terres données par les familles seigneuriales de la région, de vastes bâtiments d’exploitations agricoles (appelés granges) et
d’importantes installations artisanales comme les moulins. On dénombre 17 granges en 1160. À la fin du XIIème siècle, elle est l'abbaye cistercienne la plus riche du comté de Bourgogne.
Elle fut également le lieu de sépulture de trois comtes et comtesse de Bourgogne, Hugues de Chalon en 1266, de son épouse Alix de Méranie en 1279 et leur fils
Othon IV en 1310,
de même Henri de Vergy, sénéchal de Bourgogne en 1258.
Grâce à ses domaines agricoles conséquents, et malgré les vicissitudes, famines, guerres et pillages des XIVème et XVème siècles, la prospérité de l’abbaye dura jusqu’au début
du XVIème siècle.
L'abbaye fut grandement affectée entre 1340 et 1364 par la peste, la famine et les guerres. Entre 1437 et 1439, l'abbaye subit les raids des bandes des Écorcheurs, emmenées par le dauphin Louis (le futur Louis XI)
lors de leur retour de leurs exactions en Suisse. L’abbé Étienne de Jussey fut pris en otage pendant plusieurs mois et relâché après le paiement d'une forte rançon. En 1475, l'abbaye fut pillée et incendiée par les
troupes du roi de France Louis XI, en guerre contre
la comtesse Marie de Bourgogne.
Puis l’abbaye périclite avec le système de la commende introduite en 1522. Dans le régime de la commende, un ecclésiastique ou un laïc nommé par le pouvoir royal tient une
abbaye ou un prieuré, c'est-à-dire, en percevant personnellement les revenus, sans toutefois avoir la moindre autorité sur la discipline interne des moines. L'abbaye de Cherlieu perd une grande partie de ses revenus.
Elle est en outre incendiée durant les guerres de Religion, par les troupes protestantes germaniques envoyée par Guillaume de Nassau pour soutenir les protestants français en 1569.
En mai 1569, l'abbaye fut abandonnée. Ce n'est qu'en 1598 que l'abbaye de Cîteaux renvoya sept moines reprendre possession des lieux. Elle est relevée de ses ruines au début du XVIIème siècle par l’abbé Ferdinand de Rye,
archevêque de Besançon, mais dut subir de nouvelles graves déprédations pendant la guerre de Dix-Ans (1634-1644), les troupes françaises en 1636 et 1641, et les troupes suédoises en 1637. Malgré tous ces
évènements, l'abbaye est toujours reconstruite.
Au début du XVIIIème siècle, deux abbés Jean Ignace Froissard de Broissia et Antoine-François de Blitterswick de Moncley, archevêque de Besançon, se lancent dans une grande
modernisation et édifient de nouveaux bâtiments. Parmi eux, un somptueux palais abbatial de forme circulaire. À la fin du XVIIIème siècle le dernier abbé Mathieu-Jacques de Vermont fait construire un somptueux
palais abbatial entourant un original cloître circulaire dont il ne reste plus rien en élévation. Suite à la Révolution française, le palais ne sera jamais terminé.
En 1791, toutes les possessions de l'abbaye de Cherlieu sont vendues comme Bien Nationaux. L’abbaye ne compte alors plus que 7 moines.
L'église du XIIème siècle sert ensuite de carrière de pierre. Elle sera démontée jusqu’en 1842.
De l'abbaye de Cherlieu ne subsiste plus que le mur sud du bras du transept de l’ancienne église abbatiale. Le site, classé au titre des Monuments Historiques depuis 1984,
a bénéficié d'une importante restauration en 1995. L'abbaye de Cherlieu a été choisie en 2021 par la Fondation du patrimoine.
Gravure de l'abbaye :

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