Évènement du 8 novembre 666 :
Possible bénédiction de l'abbaye de Château-Chalon par l'évêque d'Autun Léger.
Fondation et dénomination de cette abbaye :
Légende ou réalité, Norbert, patrice ou comte d’Escuens « ancien pagi du comté de Bourgogne », et son épouse Eusébie, fondèrent vers 666, une abbaye sur une montagne. Le nom primitif
du lieu est Carnon, assemblage de mots celtes signifiant « rocher, montagne ». Cette fondation aurait été consacrée par Léger, évêque d’Autun, le 8 novembre 666, en présence de prélats et nobles locaux.
Nous avons un diplôme de l’empereur Fréderic Barberousse de 1165, qui rappelle cette fondation « Ecclesiam quae Castrum-Caroli nuncupatur, à beatae memoriae Norbertus Patricius et
Eusebiana consors sua pro redemptione animarum suarum studiosa devotione fundata et amplis possessionibus dotata … ».
On trouve la 1ère mention historique de l’abbaye dans une donation du roi Lothaire II de Lotharingie à Anséric, archevêque de Besançon, en janvier 869. Le roi passe par Besançon, où il
est accueilli par l’archevêque, pour se rendre en Italie, afin de rencontrer le pape Nicolas Ier. Le roi concède à l’Église de Besançon, l’abbaye de Château-Chalon « Carnonis castrum » et le prieuré de
Baume-les-Messieurs « cella juxta vulgo Balma ».
A la mort de Lothaire II, lors du partage de son royaume à
Meerssen le 8 aout 870, entre ses 2 oncles, les rois Louis de Germanie et
Charles le Chauve de Francie, le comté d’Escuens «
Scudingum » est attribué à Louis, et l’abbaye est citée dans l’acte « castellum carnones », comme faisant partie des biens de Louis.
Vers 1095, dans une bulle du pape Urbain II adressée à Hugues III, archevêque de Besançon, l’abbaye est nommée « Abbatia Castri Carnonensio ».
Nous l’avons déjà dit, en 1165, dans le diplôme de Frédéric Barberousse, l’abbaye est nommée « Castrum-Caroli », ce qui donnera en français Château-Charlon puis au XIIIème siècle
Château-Chalon.
Les bienfaiteurs et donateurs et protecteurs :
L’abbaye est dite royale, elle est d’abord rattachée à l’Église métropolitaine de Besançon, depuis la donation de Lothaire II en 869, jusqu’au XIème siècle, une bulle du pape Urbain II
de juin 1096 rappelle ce rattachement. Mais l'abbesse obtint, en 1151, du pape Innocent II, l'exemption de la juridiction de l'ordinaire, pour sa maison, elle est rattachée directement au Saint-Siège, hors de la juridiction
de l’archevêque de Besançon. Ce rattachement direct est rappelé par 4 bulles papales, Adrien IV en décembre 1154 et avril 1155, Grégoire IX en mai 1232, et Innocent IV en janvier 1249.
Au XIème siècle, l’archevêque de Besançon,
Hugues de Salins, donne en fief la garde de l’abbaye de Château-Chalon au comte de Bourgogne.
Par une charte antérieure à 1148, Guillaume IV de Bourgogne, comte de Mâcon, abandonna à l’abbaye de Château-Chalon, les impôts qu'il percevait sur ses terres et se réserva que les droits
de justice. Guillaume IV meurt en 1155, sa veuve, Ponce de Traves, et ses enfants, Étienne II, comte d'Auxonne, et Gérard, comte de Mâcon, ratifièrent la donation faite précédemment par Guillaume, et renoncèrent à tous
les émoluments qu'ils retiraient contre toute justice des terres de l'abbaye. Ce fait est consigné dans une bulle du pape Luce III, du mois de mars 1181, qui énumère tous les biens du monastère.
Dans son diplôme de septembre 1165,
l’empereur Frédéric Ier de Hohenstaufen, comte de Bourgogne depuis 1156, dit prendre l’abbaye sous sa protection immédiate, et rappelle le nom des
2 fondateurs, et adresse ce document à la vénérable abbesse Pétronille de Château-Chalon.
En juin 1232, l’empereur Frédéric II de Hohenstaufen petit-fils du précédent prend lui aussi l’abbaye sous sa protection.
La vie des religieuses :
Ce sont des religieuses qui s’installent dans le monastère, elles observent alors la règle de Saint-Colomban, fondateur de l’abbaye de Luxeuil. Au concile d'Aix-la-Chapelle, tenu en 817,
la règle de saint Benoît fut imposée à tous les monastères, et les religieuses embrassèrent définitivement la règle de Saint-Benoît.
Les dames de Château-Chalon sont des chanoinesses régulières et font les 3 vœux de religion : chasteté, pauvreté et obéissance. Mais à partir de la fin du XIIIème siècle, les religieuses
se recrutent uniquement dans la noblesse, et doivent en apporter la preuve en présentant leurs 16 quartiers de noblesse tant paternels que maternels. Malgré le maintien de l'observance des règles bénédictines, l’abbaye
est sécularisée au XVIIIème siècle et transformée en chapitre de chanoinesse nobles.
Les abbesses, elles sont toujours choisies parmi la plus haute noblesse, on trouve entre autres les familles de : Bourgogne, Clairvaux, Rochefort, Vienne, Coligny, La Baume, Quingey,
Sugny, Rye, etc …Elles sont élues par les religieuses, mais à partir du XVIème siècle, ce sont les comtes de Bourgogne qui les nomment.
Au cours au XIIIème siècle, l’abbaye va subir les conséquences du conflit entre le descendant du comte Guillaume IV, son petit-fils le comte Etienne III d’Auxonne, et les comtes
de Bourgogne de la famille ducale de Méranie, qui ont hérité du titre comtal par mariage, Othon II et Othon III de Méranie. Les terres de l’abbaye sont ravagées et envahies, ses droits usurpés. Il faut rappeler que si
l’abbaye est indépendante et sous la protection des comtes de Bourgogne, le village de Château-Chalon appartient à la famille du comte Guillaume IV, ce qui génère beaucoup de conflits sur les droits et les possessions
des terres entre les 2 parties.
En 1208, pourtant le comte Etienne signe un traité avec l’abbesse Caprarie et reconnait ses torts, lui redonne les droits usurpés et s’engage à dédommager l’abbaye des dégâts causés.
En contrepartie, les vassaux de l’abbaye devaient rendre service au comte et le suivre dans ses expéditions. Enfin, l’abbesse ne devait pas héberger des fugitifs du comte. Vingt-cinq témoins assistent à cet acte, rédigé
par un prêtre et scellé des sceaux du comte, de l'archevêque de Besançon et de l'abbé de Baume-les-Messieurs. Cet accord fut rédigé à Château-Chalon et signé de Jean de Chalon, fils du comte Etienne. Ce dernier le
déposa solennellement sur le grand autel de l’abbaye et en promit avec serment l'entière exécution.
Un second traité, daté de 1214, rappelle et confirme les dispositions du premier acte. Étienne donne une force nouvelle à ses obligations, en se soumettant, en cas de non-respect,
aux effets de l'excommunication pour lui et de l'interdit sur ses terres, et à titre d'indemnité, il accorde à l'abbaye quinze livres
estevenants, à prendre et percevoir sur les revenus des salines de Lons-le-Saunier.
En 1228, un nouvel accord entre l'abbesse Euphémie, par l'entremise de Nicolas de Flavigny, archevêque de Besançon, et
le comte Jean de Chalon, héritier et fils d’Etienne III, fut signé
et confirmé en 1237, suite à de nouveaux griefs, avec l'abbesse Guillemine de Monnet. Le comte, pour les infractions qu'il y a commises, est condamné à cent livres d'amende et à une redevance de quarante sols, assignées
sur les salines de Lons-le-Saunier et payables chaque année. Dans le cas de nouvelle infraction, le comte se soumet à la peine de l'excommunication. Jean de Chalon et son fils Hugues, jurent l'observation du tout ; on
appose sur l'acte leurs sceaux, celui de l'archidiacre Etienne de Salins, et ceux des abbés de Baume-les-Messieurs et de Grandvaux.
Toutes ces conventions furent encore ratifiées une nouvelle fois par le comte en 1263, à cette date son fils Hugues de Bourgogne est devenu comte de Bourgogne suite à son mariage avec
la comtesse Alix de Méranie.
Lors du XIVème siècle, l’abbaye doit affronter, de la part de certains prévôts et baillis comtaux une tentative de lui réduire ses droits de justice. Il fallut que
Jeanne II de Bourgogne,
reine de France et comtesse de Bourgogne, petite-fille de Hugues, confirma dans tous ses droits l’abbaye, par un acte adressé à l’abbesse Alix de Rochefort en 1328.
Le XVème siècle fut encore plus terrible, d’abord en 1473, à la mort de l’abbesse Louise de Luyrieux, il y eu une double élection au sein de l’abbaye entre Henriette de Quingey et
Catherine de Sugny, ce qui divisa les religieuses. L’affaire fut portée à Rome et Catherine de Sugny gagna le procès en 1478.
Puis en 1479, à la mort du
duc Charles le Téméraire, Louis XI envahit la Franche-Comté et ses troupes commirent de très nombreux désastres dans tout le comté, de nombreux châteaux,
abbayes, monastères, églises sont détruits, pillés, incendiés. L’abbaye de Château-Chalon ne fut pas épargnée.
Le traité de Senlis de 1493 redonne la Franche-Comté à la Maison de Habsbourg.
En 1496, Maximilien de Habsbourg, confie le gouvernement de la Franche-Comté à sa fille
Marguerite
d'Autriche. Sa bienveillante politique est bénéfique pour la province. Sa sagesse préserve de toute hostilité cette province qu’elle affectionne tant, et l’abbaye va en profiter.
Le XVIème siècle voit une rénovation de l’abbaye, par les abbesses Henriette de Quingey élue en 1502, puis Catherine de Rye en 1508 et Marie de Rye en 1528, tant sur le plan architectural,
que financier, par leur don personnel et familial.
En 1522, les envoyés de Marguerite d’Autriche, parmi lesquels son conseiller, Nicolas Perrenot de Granvelle, qui est comtois, signent, à Saint-Jean-de-Losne, avec ceux du roi de France
François Ier, un traité de neutralité de la Franche-Comté, pour trois ans reconductibles, dont le garant est les cantons suisses. Ce traité permet de maintenir le commerce entre la Franche-Comté et la Bourgogne. Ces
sages dispositions ont rendu la province à l’abri de tous les conflits entre la France et les austro-espagnols durant le gouvernement de Marguerite.
Mais voilà, qu’à l’hiver 1595, Henri IV, en guerre contre l’Espagne de Philippe II, se lance à l’assaut de la Franche-Comté, et rompt l’accord de neutralité entre la France et l’Espagne,
avec son bras droit armé Louis de Beauvau, seigneur de Tremblecourt. Les places fortes vont tomber les unes après les autres, des actes de cruauté sont rapportés. La ville d’Arbois est saccagée en aout 1595,
Jonvelle, Vesoul, Luxeuil, Arlay,
Lons-le-Saunier, Mouthe et Château-Chalon connaitront un pillage systématique par les troupes françaises. Les habitants sont réduits à l’état le plus pitoyable, les villages sont dépeuplés, les religieuses quittent
momentanément leur monastère.
En 1598, le traité de paix entre la France et l’Espagne, permet aux survivants de se remettre à cultiver, à défricher, les sœurs reviennent et essayent de remettre l’abbaye en
fonctionnement. Philippe II d’Espagne meurt cette même année et laisse la Franche-Comté et les Pays-Bas à sa fille Isabelle
et son mari Albert. Ceux-ci renouvèlent le traité de neutralité avec la France en 1611 pour une durée de vingt-neuf ans.
Mais voilà le XVIIème siècle, voit de nouveau
apparaitre la soldatesque dans la région, il s’agit des conflits liés à la guerre de Dix Ans (1634-1644), celle-ci est l’épisode franc-comtois de la guerre de Trente Ans (1618-1648) qui se déroule dans le
saint-empire-germanique entre catholiques et protestants mais également entre les Bourbons et les Habsbourg. En lutte contre l’Espagne, les troupes de Louis XIII envahissent la Franche-Comté en 1636 et tentent de
la conquérir, mais surtout d’empêcher qu’elle serve de réserve militaire aux Habsbourg. La guerre de Dix Ans est donc une succession de campagnes et d’opérations militaires à l’image du célèbre siège de Dole, mais
aussi une décennie de misères, de souffrances, de destructions dans tout le comté de Bourgogne, et Château-Chalon fut prise en avril 1637 par le duc Henri II d’Orléans-Longueville.
Au retour de la paix, la vie reprend dans le bourg et les habitants reviennent, de même les religieuses qui avaient échappées à la mort, retrouvent leur cloître incendié. Leurs revenus
se trouvaient presque réduits à rien. Les villages étaient dépeuplés, les moulins détruits, les églises ruinées, la seigneurie entière ressemblait à une vaste solitude. Vers 1660, les défrichements recommencèrent.
En 1678,
le traité de Nimègue rattache définitivement la Franche-Comté à la France. Un bref du pape Pie IX, de l'an 1698, confirmé par lettres patentes par le roi Louis XIV, du 8 juin 1699,
prononça l'union de l'abbaye de Château-Chalon à celle de Saint-Claude.
Fin de l’abbaye :
Le 10 mai 1790, les officiers municipaux veulent, en exécution des décrets de l'Assemblée nationale, procéder à l'inventaire des meubles et des papiers du chapitre. Les chanoinesses
refusèrent mais elles furent renvoyées chez leurs parents, et contraintes par la force de quitter le monastère ; l'abbaye fut fermée ; on la déclara bien national avec toutes ses dépendances.
En 1793 les habitants de la seigneurie se présentèrent les armes à la main, et réclamèrent les titres des redevances seigneuriales. Les archives déposées dans la tour, quoique inventoriées
et confiées à la garde de l'administration municipale, furent enlevées, pillées ou jetées dans les flammes. L'église, la maison abbatiale, furent livrées aux spéculateurs par l'État.
Aujourd'hui tout est vendu, tout est détruit. On en reconnaît à peine la place. Les maisons canoniales sont devenues des propriétés particulières. Il ne reste aucune trace visible de
l'abbaye, quelques constructions annexes perdurent et donnent à Château-Chalon ce cachet si particulier lui permettant d'être classé en bonne position parmi les plus jolis villages de France. On peut citer comme éléments
d'architecture toujours présents : la demeure de Madame de Stain, la dernière abbesse, la maison du confesseur, et celle de l'intendant.
Plan et reconstitution de l'ancienne abbaye de Château-Chalon :
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