Évènement du 21 septembre 1026 :
Décès de Guillaume-Otton d'Ivrée, fondateur de la famille héréditaire des comtes de Bourgogne.
Sa destinée :
Il fut à son époque l’égal des plus Grands, il côtoyait le roi de Francie, le roi de Bourgogne, le roi d’Italie, et il discutait avec eux sur le même plan.
Il faut dire que
son père, son grand-père, et son arrière-arrière-grand-père étaient roi d’Italie, mais il était également un descendant direct de deux empereurs mythiques que sont Charlemagne et Otton de Germanie. Par son ascendance royale, ses appuis politiques et son tempérament turbulent, Guillaume-Otton joua un rôle important pendant le règne de Rodolphe III, dernier roi de Bourgogne.
Il est reconnu comme l'un des principaux fondateurs de la Bourgogne médiévale, malgré qu’il soit né en Italie, sa généalogie plongeait profondément ses racines familiales en Bourgogne par les parentés de son père, Adalbert, de sa mère, Gerberge, et de sa femme, Ermentrude.
Son histoire est également associée à deux autres personnages omniprésents dans les
évènements de son époque, il y a tout d’abord son beau-frère, l’évêque-comte de Langres,
Brunon de Roucy, frère de sa femme, Ermentrude, personnage puissant en Bourgogne, et proche de la famille impériale ottonienne de Germanie ; sa grand-mère est la sœur d’Otton Ier; et ensuite son cousin
Guillaume de Volpiano ou de Dijon, abbé de très nombreuses abbayes en Francie et lui aussi un proche de la famille ottonienne, l’empereur Otton Ier et son épouse
Adélaïde de Bourgogne, étaient son parrain et sa marraine, de plus l’abbé Guillaume était le bras de lance de la puissante
abbaye de Cluny.
Sa destinée fut comme souvent à cette époque parsemée de réussites et d’échecs. Il lutta pour s’imposer sur le duché de Bourgogne contre le roi Robert II de Francie et sur le royaume d’Italie contre le roi Henri II de Germanie, mais ne put réussir dans ses deux revendications, il se contenta de gouverner momentanément le comté de Mâcon, avant de le transmettre à son fils ainé Gui, puis à son petit-fils Otton, et de s’implanter outre-Saône, dans le royaume de Bourgogne, du roi Rodolphe III, en fondant les bases du futur comté de Bourgogne, qu’on appellera Franche-Comté, quelques siècles plus tard.
Ensuite si les faits et gestes majeurs de notre personnage sont assez bien connus, il est orphelin de son père dès son enfance, sa mère se remarie avec le
duc Eudes-Henri de Bourgogne, par contre l’origine de la famille de sa mère est âprement disputée par les historiens médiévistes depuis toujours, est-elle une fille du comte Lambert de Chalon-sur-Saône, une fille du comte Liétaud de Mâcon, ou d’un autre comte ? et puis surtout l’origine de son nom de baptême, Guillaume ? Otton ? Otte-Guillaume ? Otton-Guillaume, Guillaume-Otton ? est une énigme pour les généalogistes du moyen-âge au Xème siècle, époque où la transmission du nom, dans les familles nobles, est pourtant hyper codifiée. À aujourd’hui, les travaux de tous les historiens ne permettent pas de trancher définitivement ces interrogations.
Les premières années de sa vie :
Nous ne savons pratiquement rien de ses premières années d’existence, Il a dû naitre vers 966/967, compte tenu du mariage de ses parents Adalbert marquis d’Ivrée et
Gerberge de Mâcon, vers 965.
Ce mariage a certainement été arrangé par le beau-père de Gerberge, en effet son père le comte Guillaume Ier, est mort en 955, sa veuve,
Adélaïde, épouse le vicomte futur comte Lambert de Chalon, certainement vers 956/957. C’est lui qui négocia avec Adélaïde, le mariage de sa belle-fille, avec le marquis-roi déchu Adalbert d’Ivrée.
Compte tenu des évènements en Italie, le mariage a dû avoir lieu à Chalon-sur-Saône, entre 965/966, et Adalbert a dû repartir avec son épouse, continuer la lutte contre le roi Otton Ier de Germanie pour le contrôle du royaume italien.
Guillaume est certainement né en Italie, mais il passe son enfance et son adolescence à la cour du duc de Bourgogne et du comte de Chalon, terre de sa famille maternelle.
Sa mère Gerberge et ses précepteurs ont dû lui rappeler son ascendance prestigieuse, car il coule dans ses veines du sang, des familles raimondine, auvergnate, rodolphienne et lombarde mais surtout des deux familles impériales d’Occident, carolingienne et ottonienne.
Il est l’égal des plus grands de son époque, même des rois de Francie et de Bourgogne. Son éducation a dû être celle d’un prince au sein de ce duché de Bourgogne, suite au second mariage de sa mère.
La construction de son héritage dans le
Mâconnais et le diocèse de Besançon :
Guillaume devenu comte de Mâcon, en 982, par héritage de droits de sa mère Gerberge, au moment de son mariage avec Ermentrude de Roucy, veuve du dernier comte de Mâcon, de la famille de Narbonne, Albéric II, s’implante, vers 982, sur les terres à l’est de la Saône.
Ces terres seront le berceau du futur comté de Bourgogne, son fils cadet, Renaud, sera le premier comte palatin de Bourgogne, dans l’archidiocèse de Besançon, elles-aussi, il les hérite de sa mère, par les biens détenus par les membres de l’ancienne famille des comtes de Mâcon sur ces terres.
Ces terres à l’est de la Saône, sont intégrées dans le royaume de Bourgogne, elles sont sous la suzeraineté de la famille royale rodolphienne ou Welf, depuis 888.
Aussi lorsqu’il monte sur le trône en octobre 993,
Rodolphe III de Bourgogne, et son demi-frère l’archevêque de Lyon, Bouchard s’activent à prendre le contrôle du diocèse de Besançon, futur comté de Bourgogne, rare comté échappant à leur emprise, mais le comte Guillaume-Otton est un prince puissant, ayant de nombreuses alliances, fort de son ascendance royale italienne, et du soutien de son beau-père le duc Eudes-Henri de Bourgogne, la difficulté est de taille pour le roi rodolphien.
Rodolphe continue sa lutte contre le comte Guillaume, il demande à son demi-frère l’archevêque Burchard II de Lyon de tenir un concile, avec l’appui de l’abbaye de Cluny. Le concile a lieu à Anse, près de Lyon, fin 994, début 995. Mais aucune décision politique à l’encontre de Guillaume-Otton sera délivrée.
Alors Rodolphe décide d’intervenir militairement et traverse le Jura, en 995, mais ses troupes sont mise en déroute par celles de ses adversaires, conduites par notre comte Guillaume, qui repoussent la tentative d’agression de leur suzerain.
À la mort de l’empereur Otton III, dernier descendant de la famille ottonienne, le 24 janvier 1002, après celle de l’impératrice Adélaïde en 999, les relations entre la famille royale bourguignonne et les empereurs germaniques furent très différentes. Les nouveaux souverains germaniques avaient pour objectif de placer sous protectorat, voire de tutelle, le royaume bourguignon vis-à-vis de l’Empire.
Le différend entre le comte Guillaume-Otton et son roi Rodolphe était toujours présent, lorsque ce dernier réunit un grand plaid en 1002 dans sa ferme royale à Eysins, dans le comté d’Équestre, avec l’ensemble des grands de son royaume (principes regni illius), point de Guillaume à cette assemblée.
Le 27 octobre 1015, le décès de l’archevêque Hector de Besançon ouvrit une crise de succession, souvent fréquente à cette période. Deux candidats prétendaient à la succession d’Hector : le premier, Berthold, pouvait compter sur le soutien de l’empereur Henri II et peut-être de Rodolphe, le second, Gautier, issu de l’aristocratie locale, disposait de l’appui du comte Guillaume-Otton. Comme souvent à cette époque, la décision joua en faveur de l’aristocratie locale, Gauthier l’emporta sur Berthold. Ce fut une victoire du comte Guillaume.
Henri de Germanie, reconnut comme l’héritier de Rodolphe, en 1018, décida de revenir sur l’élection de l’archevêque de Besançon, en soutenant la candidature de Berthold. Les
évènements sont mal connus, mais les troupes impériales furent dans l’incapacité d’imposer le candidat de l’empereur, toutes les villes du comté de Bourgogne sous l’impulsion du comte Guillaume-Otton fermèrent les portes à l’empereur, et d’ailleurs Gauthier resta sur le siège épiscopal, ce fut une victoire pour Guillaume-Otton sur l’empereur Henri.
Vers 1020, Guillaume fonda un monastère à Vaux-sur-Poligny dédié «
au sauveur, à la mère de Dieu et à saint Nicolas ». Le comte et ses descendants dotèrent le monastère de nombreux biens, parmi ceux-ci, nous trouvons des chaudières à sel, des bois, des vignes, des serfs. Ce monastère sera rattaché à l’abbaye de Cluny. La fondation de ce monastère près du château de Poligny était certainement due, par le fait qu’il était la résidence principale de Guillaume dans son comté outre-Saône.
Il semble qu’avant de quitter ce monde, Guillaume-Otton, se soit réconcilié avec Rodolphe, les deux hommes étaient alors âgés de plus de soixante ans. Nous avons une charte de
Saint-Bénigne de Dijon, datée du 13 juillet 1026 à Orbe, le roi à la demande du comte et de son fils Renaud, confirma l’ensemble des dons fait et à venir par le dit comte sur Salins au profit de l’abbaye dijonnaise.
La guerre de succession sur le duché de Bourgogne :
La cause du conflit est connue, il s’agit de la succession à la tête du duché, après la mort en octobre 1002, du dernier duc en exercice, à savoir
Eudes dit Eudes-Henri de Bourgogne. Le duc avait un fils naturel, Eudes, vicomte de Beaune. Si Eudes, fut écarté de la succession, par le fait de sa naissance, son héritage était réclamé par le comte de Mâcon Guillaume-Otton, adopté et désigné comme successeur par Eudes-Henri.
Il nous faut présenter les protagonistes de ce conflit.
D’un côté Guillaume-Otton, fils adoptif et beau-fils du duc Eudes-Henri, fils de Gerberge de Mâcon et d’Adalbert d’Ivrée, époux d’Ermentrude de Roucy, comte de Mâcon et comte dans le diocèse de Besançon.
Parmi ses alliés, nous avons Brunon de Roucy, évêque de Langres, suzerain du comté de Dijon, fils de Renaud de Roucy et d’Albérade de Lorraine, frère d’Ermentrude, beau-frère de Guillaume-Otton. Brunon est également en possession de très nombreux châteaux-forts, nous pouvons citer Tonnerre, Bar-sur-Aube, Bar-sur-Seine, Châtillon-sur-Seine, Til-Châtel, Saulx, Grancey, c’est donc un personnage très puissant qui exerce outre ses fonctions ecclésiastiques, des fonctions seigneuriales.
Landry de Nevers, époux de Mathilde d’Ivrée, gendre de Guillaume-Otton, comte et fondateur de la dynastie héréditaire de Nevers. Fromond II de Sens, comte de Sens, fils de Rainard Ier de Sens. Gui Ier de Mâcon, fils ainé de Guillaume-Otton et d’Ermentrude, comte de Mâcon. Guillaume de Volpiano, abbé de Saint Bénigne de Dijon, cousin de Guillaume-Otton.
Dans l’autre camp, le roi des Francs,
Robert le Pieux, neveu du côté paternel du duc Eudes-Henri, fils d’Hugues Capet. Parmi ses soutiens,
Hugues de Chalon, évêque d’Auxerre et comte de Chalon-sur-Saône, fils de Lambert de Chalon et d’Adélaïde de Troyes, demi-frère de Gerberge de Mâcon, oncle de Guillaume-Otton. Otton, fils de Milon II de Tonnerre et d’Ingeltrude de Chalon, neveu d’Hugues de Chalon, comte de Beaune. Eudes, vicomte de Beaune et Geoffroy Ier de Semur, Baron de Semur-en-Brionnais semblent également avoir pris le parti du roi. Le roi avait également fait appel au comte Richard II de Normandie accompagné de 30 000 hommes qui se joignirent à l’armée royale, pour neutraliser la révolte des bourguignons.
Enfin, il y avait Odilon,
abbé de Cluny, et ami intime de Brunon de Roucy, qui était lui aussi peu favorable aux Capétiens, mais qui resta assez neutre dans ce conflit.
Le comte Guillaume-Otton fut choisi duc de Bourgogne par une très grande majorité des nobles bourguignons, et cela conformément au testament du défunt, il passa à l’action, avec l’appui de son gendre Landri, comte de Nevers, du comte Fromond de Sens, et de son beau-frère l’évêque-comte de Langres Brunon de Roucy, mais certainement aussi de son fils ainé Gui.
Mais le neveu du défunt Eudes-Henri, le roi des Francs Robert II, fils d’Hugues Capet, comprit très vite la menace de cette opération. Cette succession était importante pour les rois capétiens, car elle mettait en danger la suzeraineté capétienne sur la Bourgogne ducale.
Les conflits se déroulèrent essentiellement à Auxerre et Avallon, si au début les bourguignons furent vainqueurs, vers la fin de l’année 1005 et début 1006, les troupes royales et ses alliés reprirent les cités.
Robert et ses troupes se dirigèrent maintenant vers Dijon, mais la ville avait été mise en état de défense sous le commandement de Guillaume-Otton, qui avait été investi de cette responsabilité par son beau-frère l’évêque-comte Brunon de Langres. La ville résista aux attaques, et ce fût l’intervention de l’abbé de Saint-Bénigne de Dijon, Guillaume de Volpiano, qui sensibilisant le roi sur les dégâts et malheurs de cette guerre, décida Robert a abandonné le siège de Dijon.
Guillaume-Otton accepta alors d’abandonner ses droits à la succession sur le duché de Bourgogne à Robert II, mais resta avoué de l’abbaye Saint-Bénigne de Dijon, le comté de Dijon, resta sous la suzeraineté de Brunon de Roucy, évêque de Langres.
Le roi interviendra à Sens en 1012, et prendra possession du comté.
Ce n’est qu’en janvier 1016, après la mort de l’évêque Brunon de Roucy, que Robert se rend à Dijon, entre le 27 et 31 janvier, il entre dans la ville et prend possession du comté. Mais le roi tient à mettre sur le siège de l’évêché de Langres, un fidèle a lui. Il installe Lambert, fils du comte Milon II de Tonnerre et d’Ingeltrude de Chalon-sur-Saône, frère du comte Otton de Beaune.
Parmi, les seigneurs qui accompagnent le roi à Dijon, il y a Lambert, évêque de Langres, Hugues de Chalon, comte de Chalon et évêque d'Auxerre, Otton, comte de Mâcon, petit-fils de Guillaume-Otton, Renaud, comte de Nevers, fils de Landri. La paix revient en Bourgogne.
À l’issue de l’élection de Lambert, le comté de Dijon passe aux mains du capétien qui devient ainsi le maître de la totalité du duché de Bourgogne, qui est réintégré au royaume de Francie Occidentale. L’avouerie de Saint-Bénigne passe dans les mains
de l'abbé et cousin du comte, Guillaume de Volpiano.
Vers 1017, le roi Robert fit reconnaître son second fils Henri, duc de Bourgogne.
La tentative d’héritage sur le royaume d’Italie :
À la mort de l’empereur-roi Otton III, petit-fils d’Otton Ier, décédé à l’âge de vingt-deux ans, sans héritier direct, le 24 janvier 1002, Guillaume-Otton revendiqua la succession du royaume italien. N’était-il pas par son père, son grand-père et son arrière-arrière-grand-père un descendant des rois d’Italie ?
Guillaume-Otton était présent en Italie, peu de temps après la mort d’Otton III, il participa à la
fondation de l’abbaye de Fruttuaria, dans le Piémont, avec ses cousins Guillaume de Volpiano et Arduin d’Ivrée, le 23 février 1003. Ce dernier s’était fait élire, roi d’Italie, l’année précédente.
Y-a-t-il eu un accord entre les deux cousins pour la succession italienne ?
Certes Guillaume-Otton était le plus proche parent des rois d’Italie de la famille d’Ivrée, mais Arduin avait un avantage, il était marquis en Italie, et donc sur place pour revendiquer et s’emparer de la couronne italienne.
Arduin n’aurait-il pas promis la succession au trône à son cousin ? Pourquoi pas, car dans une lettre d’avril 1016, quelques mois après la mort d’Arduin, survenu le 15 décembre 1015, l’évêque Léon de Verceil écrivait au roi Henri II de Germanie, pour réclamer un roi national, pour lutter contre des rebelles qui voulaient s’emparer du royaume italien.
Qui d’autre que Guillaume-Otton était le mieux placé pour succéder à Arduin ?
Mais Guillaume était encore en lutte contre le roi Rodolphe III, dans ses comtés bourguignons, il avait également été affaibli dans la lutte sur l’héritage du duché de Bourgogne, il n’avait certainement pas les moyens militaires pour s’opposer au roi de Germanie sur la conquête du royaume italien.
La fin de sa vie :
Guillaume quitta ce monde, le 21 septembre 1026, et ne connut pas la suite de ces
évènements, il fut inhumé dans l’abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, à côté de son fils ainé Gui. Le roi Rodolphe lui survécut jusqu’au 6 septembre 1032.
Il reviendra à son fils
Renaud, premier comte
palatin de Bourgogne de poursuivre la dynastie héréditaire des comtes de Bourgogne, qui gouverneront la Franche-Comté jusqu’au
XIVème siècle, de continuer le combat. Ce combat se poursuivit jusqu’en 1037, au moment au l’empereur Conrad décida de lever les sentences contres ses ennemis d’hier.
Sa plus belle réussite fut sa descendance,
par son fils Renaud, cette famille bourguignonne-comtoise se ramifiera en de très nombreuses branches : parmi les plus célèbres, les rois de Castille de la famille d’Ivrée,
par Raimond de Bourgogne, arrière-petit-fils de Guillaume-Otton, qui
gouverneront ce royaume jusqu'en 1496, pour s'unir avec les descendants de
Charles le Téméraire. L’empereur Charles Quint est l’un de ses descendants
!! les comtes d’Auxerre et de Tonnerre de la famille de Chalon-Auxerre, les princes d’Orange de la famille de Chalon-Arlay.
Extrait de l'obituaire de Saint-Bénigne de Dijon avec sa
signature :
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