L’origine du comté – le comte Guérin
L’origine du comté remonte au VIIIème siècle,
comme tous les comtés mis en place par les Carolingiens, mais le processus
exact de sa création reste obscur. Par sa position géographique située au sud
du comté de Chalon, le comté de Mâcon ne sera jamais vraiment intégré au
duché de Bourgogne, sauf sous les Valois entre 1435 et 1482.
De plus entre le IXème et le XIIème siècle,
les comtes de Mâcon seront également titulaires du comté de Bourgogne,
c’est à dire des terres situées dans l’Empire Germanique. Ils sauront
jouer sur cette double vassalité (vis à vis du roi de France et de
l’empereur Germanique) pour obtenir une grande autonomie dans leur territoire.
Thierri Ier (736-793) est en possession du comté en
736, au moment de l’intervention en Bourgogne de son beau-père Charles
Martel, Maire du Palais. Thierri est également titulaire du comté d'Autun
et du comté de Vienne.
Son fils Thouin (793-796) lui succède sur l’Autunois, peut-être
sur le Mâconnais.
Le personnage qui fait ensuite son apparition est Guérin ou
Warin V (825-853). Il est l’acteur incontournable dans les affaires
bourguignonnes du IXème siècle. Lors du partage de l’empire en
817, il est dit qu’il doit fidélité au roi Pépin d'Aquitaine, or ce dernier
est le souverain des comtés bourguignons : Autunois, Avalonnais et
Nivernais. Guérin est donc en possession de seigneuries dans l’un de ces
trois comtés. Peut-être l’Autunois, car il a épousé Aube, qui est peut-être
une fille du comte Thierri III d'Autun, mais aucun document ne nous donne la réponse.
Il est connu depuis 825 comme comte de Mâcon. Cette même année,
l’évêque Hildebrand de Mâcon, sur l’ordre de Louis le Pieux, concède la
villa de Cluny en échange d’une autre propriété au comte Warin et à son épouse.
Nous avons vu dans le chapitre sur les Carolingiens, la
participation de Guérin aux luttes entre l’empereur Louis le Pieux et ses
fils. Tout d’abord dans le camp de Lothaire, c’est lui qui emmène en exil
l’impératrice Judith en 830 à Poitiers.
Après le nouveau partage en 831, son influence sur les pays
bourguignons est grandissante, il entre certainement en possession du comté de
Mémontois, et investi d’une autorité (marquis ?) sur les autres comtes
bourguignons.
En 834, il a pris le parti de l’empereur et défend la ville
de Chalon, cet épisode est raconté au chapitre de l’histoire de ce comté.
En 835, il est nommé comte de Chalon.
Puis entre 835 et 840, Guérin est absent de la Bourgogne, on
le retrouve dans le Lyonnais, le Viennois et le Toulousain. Dans certains
documents, il est nommé « dux » sur ces régions. En 840, à la
mort de l’empereur Louis le Pieux, Guérin prend parti pour Charles le Chauve,
il le rencontre à Orléans et l’assure de sa fidélité.
Nous avons vu comment il est aux côtés de Charles le Chauve
et de Louis le Germanique lors de la bataille de Fontenoy en Puisaye en 841
contre leur frère Lothaire.
Guérin est récompensé de sa brillante participation à cette
bataille, lors du traité de Verdun en 843, il reçoit les comtés d'Autun,
d'Auxois et de Duesmois, ce qui forme avec le Mâconnais, le
Chaunois et le Mémontois qu’il possède déjà, la Marche ou Marquisat de la
Bourgogne méridionale et fixe sa capitale à Chalon-sur-Saône. D’ailleurs,
lors du traité de Verdun en 843, les frontières du royaume de Charles le
Chauve dépassent la Saône, pour englober les bénéfices que possèdent Warin
sur la rive gauche, c’est à dire sur la Bourgogne germanique.
À sa mort, son fils aîné Isembard (853-858) lui succède sur
les comtés : Mâconnais, Chaunois, Autunois, Dijonnais et Atuyer dans
lesquels il exerce la fonction de « missi dominici ».
Contrairement à son père, Isembard est un personnage effacé,
aucun document relate un conflit avec ses voisins.
Isembard disparaît peu après le plaid de Quierzy de mars 858,
celui qui lui succède est, Onfroi (858-863), certainement son frère. Dès 858,
il est comte de Beaune et d’Autun, et certainement de Chalon et de Mâcon,
Charles le Chauve lui confie le marquisat de Bourgogne.
En 862, Onfroi proche parent du régent de Provence, Girard,
est accusé de rébellion vis à vis de son roi, par le vicomte de Blois. Le roi
ne donne pas suite.
Mais en avril 863, Onfroi enlève le comté de Toulouse au
marquis Raymond, Charles se doit de réagir. Ses troupes se dirigent vers la
Bourgogne, les honneurs d'Onfroi sont supprimés et distribués. Onfroi disparaît
de la scène politique.
Les successeurs de Guérin
Sur le Mâconnais, c’est Eudes (863-870), ex-comte de Troyes
qui prend possession du comté, ainsi que celui de Dijon. Eudes est également
titulaire du comté de Varais dans la Bourgogne germanique.
Artisan du traité de Meerseen de 870, Eudes disparaît peu après.
Le Mâconnais est alors confié à Echard (870-877), déjà en possession du
Chalonnais.
À La mort d'Echard, ses comtés de Mâcon et de Chalon échoient
à Boson (877-880), le neveu de sa seconde épouse Richilde. L’histoire de ce
grand prince est contée dans le chapitre du royaume de Bourgogne Cisjurane.
En 879, Boson se fait élire roi à Mantaille, et le Mâconnais
est incorporé dans ce nouveau royaume.
En août 880, les Carolingiens se liguent et marchent contre
Boson, ils sont aux portes de la ville de Mâcon. Les textes de l’époque
indiquent que la ville était défendue par un Bernard, et que Bernard
Plantevelue reçut la ville et le comté en récompense des services rendus. Ne
peut-on pas imaginer que ces deux Bernard ne sont en fait qu’une et même
personne ? Bernard Plantevelue n’a-t-il pas négocié un compromis ;
réédition de la ville contre une promesse de conservation du comté ?
possible, mais pas certain. Les troupes de Boson sont vaincues une dernière
fois lors de la bataille de Crêches-sur-Saône, les Carolingiens récupèrent
le comté.
Les comtes de Mâcon et d'Auvergne
Le comté de Mâcon change de famille pour passer dans celle
des Guilhemides. Bernard Plantevelue (880-886), fidèle aux rois Carolingiens hérite
des comtés de Mâcon et de Lyon, il est le fils de Bernard de Septimanie.
Bernard est à la tête d’une formidable principauté :
l’Auvergne, la Gothie, le Berry, le Mâconnais, le Lyonnais et le Limousin,
mais déçut de n’avoir pas reçut l’Autunois, terre de ces ancêtres, il se
rallie en 881 à l’empereur Charles le Gros, plutôt qu’au roi des Francs
Carloman. C’est un bon choix politique, car à la mort de Carloman en 884,
c’est Charles le Gros, qui est choisit roi des Francs. Bernard est chargé de
surveiller le roi Boson, car ses terres sont limitrophes de ce dernier.
Bernard Plantevelue trouve la mort en 886, en combattant le roi
Boson. Son fils Guillaume le Pieux (886-918) recueille sa succession sur l’Auvergne,
la Gothie, le Berry, le Mâconnais, le Lyonnais et le Limousin.
En 888, Guillaume acquiert des terres dans la vallée de la
Grosne, au lieu dit Cluny, après un échange avec sa sœur Ava. La même année,
le changement de dynastie à la tête du royaume des Francs, avec l’élection
du Robertien Eudes, amène les princes du midi de la France à se sentir délier
de toute reconnaissance vis à vis de ce nouveau souverain. Guillaume fait parti
des contestataires.
C’est en septembre 892, que commencent les premiers heurts
directs entre le roi Eudes et le comte Guillaume. Eudes lance une expédition
contre le comte Ebles de Poitiers, il pénètre dans le Berry, terres
appartenant à Guillaume, et se lance sur le Poitou. Eudes sort vainqueur de ce
conflit. Guillaume ayant donné un appui tacite au rebelle, Eudes lui confisque
le Berry et le donne à un certain comte Hugues.
Début 893, Ebles se réfugie auprès de Guillaume en Auvergne.
Alors le comte face à ce rôle de protecteur, prend de sa propre initiative le
titre jamais porté de « comte, marquis et duc d'Aquitaine », et se
pose en défenseur du midi de la France. Face à cet acte, Eudes réagit, la
rencontre entre les troupes royales et celles de Guillaume se situe entre l’Auvergne
et le Limousin, mais il n’y a pas de combat. Eudes doit rejoindre le Nord, car
Charles le Simple, le fils du roi carolingien Louis II, vient de se faire
couronner roi. Il y a maintenant deux rois francs. Avant de partir, Eudes
confisque « en théorie » les terres de Guillaume et les octroie à
Hugues.
Mai 893, Hugues se lance à la conquête de « ses »
terres et affronte de face, Guillaume, mais il est tué au combat. Eudes se doit
de répondre, il contourne les terres de son adversaire et pénètre dans la
Bourgogne. Il rencontre à Chalon-sur-Saône, Richard le Justicier, puis se
dirige vers le sud, où le comte de Toulouse, un autre Eudes, frère de Bernard
le Veau, lui apporte le soutien. La rencontre a lieu à Montpensier, qui a gagné ?
Eudes ou Guillaume ? À l’issue de cette confrontation, Guillaume reconnaît
Eudes comme son souverain, et Eudes concède à Guillaume le titre d’abbé laïque
de Brioude, vu les termes de l’accord de paix, le résultat a du être
incertain.
Le duc Guillaume épouse, Engelberge la fille du roi de
Bourgogne Cisjurane Boson, en 898, la fille de l’adversaire de son père !
Guillaume est l’ami du duc de Bourgogne Richard le Justicier,
son oncle par alliance, et participe avec lui à la lutte contre les vikings ou
Normands (Nortmanni dans les chroniques)
qui
ravagent la Bourgogne.
En 916, des troubles importants ambrassent la Provence, lutte
contre les Sarrasins et guerres civiles entre les princes, c’est ainsi que la
fille du vicomte de Narbonne, Raymonde, accompagnée de son fils Mayeul, se réfugie
dans le Mâconnais auprès de son frère le vicomte de Mâcon Albéric Ier.
Mayeul deviendra archidiacre de Mâcon à vingt et un ans et grand abbé de
Cluny en 948.
Guillaume décède en juillet 918 et demande d’être inhumé
dans l’abbaye de Brioude, sans descendance son fils Boson est mort quelques
mois auparavant, ce sont ses neveux, les fils de sa sœur Adeline, qui lui succèdent.
Guillaume II, dit le Jeune, (918-926) fils de Acfred de
Carcassonne, est un vrai méridional, et succède à son oncle sur les terres
Auvergnate, Berrichonne, Mâconnaise, Limousine, et Gothique. Le Lyonnais lui échappe
pour passer dans les mains du fils de Richard le Justicier, Hugues le Noir. Il
va devoir lutter pour conserver son héritage, face à la conjoncture politique,
où les nobles du royaume se querellent sans cesse avec un pouvoir royal faible.
Dès 919, c’est d’abord Raoul, fils de Richard de
Bourgogne, et Robert de Neustrie, qui partant du Nivernais envahissent le Berry,
alors Guillaume contracte une alliance avec Raymond le comte de Toulouse en lui
cédant la Gothie.
À l’annonce de l’arrivée sur le trône royal du Robertien
Robert, frère du roi Eudes, mais également beau-père de Raoul de Bourgogne,
Guillaume se nomme duc d'Aquitaine en 922 et refuse de reconnaître le nouveau
roi.
Cette coalition, entre les deux princes du midi, leur permette
de maintenir l’avancée du Bourguignon, d’autant que Raoul hérite de la
couronne royale en 923, à la mort de son beau-père, et doit lutter contre les
Normands.
Début 924, c’est la rencontre d'Encize entre Guillaume et
Raoul, et comme en 893 à Montpensier, Guillaume fait hommage à Raoul et le
reconnaît comme son souverain, Raoul lui redonne le Berry.
En 926, le duc Guillaume profite des difficultés de Raoul, en
lutte contre les Normands et les Hongrois, pour se révolter. Son frère Acfred
s’empare de Nevers, mais le roi reprend la ville. Fin décembre Guillaume
meurt, son frère Acfred reprend la succession, mais il décède à son tour en
octobre 927.
Sans héritier, leur héritage va se partager entre les comtes
de Toulouse, les comtes de Poitiers et les ducs de Bourgogne.
Une petite histoire de Cluny
Nous allons faire un petit récit de l’histoire de Cluny,
qui mérite à elle seule un livre, tellement l’empreinte des abbés de Cluny
sur les grands et les événements du monde fut importante. L’abbé exerce son
influence sur la politique des princes, du roi, du pape ou de l’empereur comme
sur les délibérations des conciles.
En 909, Guillaume fait le don de sa villa et de ses terres,
de son fief de Mâcon, au moine Bernon (910-926) et à ses douze compagnons
venus de Gigny, de Baumes les Messieurs et de Saint-Lothain, au lieu dit Cluny,
pour fonder la première église de Saint-Jean Baptiste. Au XIème siècle,
l’église prendra le nom de Saint-Mayeul et deviendra une abbaye.
Guillaume le Pieux insère dans l’acte de donation une
clause en vertu de laquelle les moines doivent jouir d’un statut particulier,
c’est à dire dépendre directement du Saint-Siège, sans rendre compte à
l’évêque ou au comte de Mâcon. Ni le duc de Bourgogne, ni le roi de France
ne s’opposent à cette décision. L’abbé de Cluny est l’un des grands
seigneurs du monde laïque, il a des vassaux et des domaines. Cluny devient un véritable
empire monastique. La grande destinée de l’ordre de Cluny peut commencer. Dès
994, un marché fonctionne, et l’essor de l’abbaye amène des flux de
visiteurs et génère des besoins croissants en personnel de tous ordres. Le
bourg s’agrandit et deux autres paroisses sont construites.
En quelques décennies, Cluny va devenir avec Rome le centre
du monde chrétien. Les grands abbés fondateurs sont Odon de Touraine
(926-942), Aymard (942-954), Mayeul (954-994), Odilon de Mercœur (994-1049),
Hugues de Semur-en-Brionnais (1049-1109), Pons de Melgueil (1109-1122) et Pierre
le Vénérable (1122-1156). Tous ces abbés furent canonisés, sauf Pons.
Acte de fondation de Cluny par Guillaume le Pieux
La communauté vit dans l’observance stricte des règles bénédictines.
L’ordre de Cluny comprend à son apogée au XIIIème
siècle, quelques dix milles religieux dans un millier de maisons et dans une
grande partie de l’Europe. Les pères abbés voyagent beaucoup et courent bien
des dangers, car l’aventure est sur la route. C’est d’ailleurs lors
d’une visite à une maison fille, que Mayeul subit l’événement suivant :
En 972, Mayeul séjourne au monastère de Pavie, en Italie,
qui dépend de Cluny. Ensuite il assiste au mariage de l’empereur Germanique
Othon II avec Théophanie à Rome. Il rentre avec des frères et des pèlerins
à Cluny, et traverse les Alpes au col du Saint-Bernard. Ils sont attaqués et
pris en otage par des sarrasins. Ceux-ci demandèrent s’ils possèdent des
biens et des richesses pour pourvoir se racheter. Mayeul répond qu’il ne possède
rien et ne veut pas devenir possesseur de biens, mais il a sous sa domination
beaucoup d’hommes propriétaires de vastes domaines. Alors Mayeul envoie un
billet à Cluny pour demander la rançon de leur libération, soit la somme de
mille livres d’argent. Il faut un mois, à l’abbaye pour réunir cette somme
considérable.
Suite à cet incident, le comte d'Arles Guillaume Ier,
ami et parent de Mayeul réunit une armée et chasse les sarrasins des cols
alpins, qu’ils occupent depuis une trentaine d’années.
Lors de la guerre de succession de la Bourgogne entre
1002/1006, l’abbé de Cluny Odilon, est le sage qui intervint à maintes
reprises pour éviter des morts et des destructions de lieux saints. Il est écouté
de tous.
L’abbaye s’enrichit de nombreuses donations de grands
seigneurs qui se rachètent ainsi de leurs vilains faits et gestes, dans les
derniers instants de leur vie.
Reconstitution de Cluny III
Vers l’an mil, les moines clunisiens lancent un mouvement « la Paix de Dieu »,
qui consiste à réunir en concile le peuple, les grands et les ecclésiastiques
pour restaurer la paix et l’institution de la foi. On rédige des chapitres précisant
ce qu’il est permis de faire, ce qui est interdit de faire et ce qu’on
promet d’offrir à Dieu. Le plus important des actes est le maintien de la
paix inviolable. Chacun s’engage et passe ainsi un contrat moral avec Dieu. Le
concile de Verdun sur le Doubs, en 1016, est l’un des premiers à se réunir
et à servir de modèles. Dans le texte de ce concile, les participants jurent
de ne plus enfreindre les églises, de ne pas piller les églises, de ne plus
attaquer les moines, de ne pas voler le bétail, de ne plus rançonner les
paysans et les marchands.
La puissance de Cluny est telle, qu’en 1027, les moines de
Cluny interviennent à Vézelay avec l’appui du comte de Nevers Landri, pour rétablir
le désordre survenu dans cette abbaye.
En 1040, Odilon lance une «Trêve de Dieu» pour toute la
Bourgogne. Ce mouvement qui succède à la « Paix de Dieu » institue
une règle qui interdit de nuire à autrui du jeudi au dimanche, sous peine de
violer la sainte paix et d’être puni en conséquence de ses faits.
L’abbaye de Cluny s’agrandit de siècle en siècle
jusqu’à devenir la plus grande église de la chrétienté, avec la
construction de Cluny III à partir de 1088, avant la construction de
Saint-Pierre de Rome. C’est un chef d’œuvre de l’art roman, aujourd’hui
pratiquement disparut, seul le clocher de 30 mètres de hauteur peut laisser, au
passant, une idée de l’ancien monastère qui s’étendait sur un rectangle
de 450 sur 350 mètres, et qui comprenait cinq nefs et deux transepts.
Lorsque le pape Urbain II consacre l’autel de la nouvelle
abbatiale le 25 octobre 1095, il n’oublie pas qu’il a été moine de Cluny.
De même le pape Pascal II qui passera les fêtes de Noël en Bourgogne, l’est
tout autant.
Le pape Eugène III rend visite à Pierre le Vénérable, le
26 mars 1147.
Les grands
incendies de 1159, 1208 et 1233 détruisent de nombreuses maisons et l’église
de Notre Dame, mais surtout après 1250 l’ordre stagne et amène la stagnation
de la ville.
Les comtes de Mâcon et de Besançon
Le comté échoit à Hugues le Noir (927-952), frère du roi
Raoul, déjà en possession du Lyonnais depuis 919. Il laisse le pouvoir au
vicomte Albéric ou Aubri (927-943) qui se reconnaît comme son vassal.
Nous l’avons vu au chapitre sur l’histoire du comté de
Bourgogne, Albéric profite de l’appui de Hugues pour s’implanter de
l’autre côté de la Saône, en terre d’empire, et acquiert des terres
autour de Besançon, vers 928.
Vers 930, Liétaud, fils d'Albéric, épouse Ermengarde, la
fille du comte Manassès de Chalon.
Les Hongrois qui refluent vers l’Est après avoir saccagé le
Berry, traversent le Mâconnais et dévastent Tournus, Cluny et Mâcon, en 937.
Albéric poursuit son extension sur les terres d’Outre-Saône
en recevant du roi de Bourgogne Conrad, des terres dans la région de Salins,
future seigneurie, en 942.
À sa mort en 943, son fils aîné Liétaud (943-965) hérite
des terres de Mâcon et de Besançon, et son second fils Humbert celles de
Salins, fondateur de la dynastie des sires de Salins.
En 951, le roi Louis IV se rend dans le comté, où il
rencontre Charles-Constantin, comte de Vienne. Il faudra attendre le XIIème
siècle, pour voir de nouveau un roi des Francs dans la région.
À la mort de Hugues le Noir, en 952, Liétaud est le maître
des comtés de Mâcon et de Besançon. Il est un personnage important de son époque
et on le voit dans l’entourage des rois des Francs Louis IV, puis Lothaire,
mais également dans celui du roi de Bourgogne Conrad. Il sait accorder sa fidélité
entre ses différends suzerains, qu’ils soient français ou bourguignons.
En 955, Liétaud séjourne quelque temps à la cour royale à
Laon. Son fils Albéric ou Aubri II, épouse la nièce du roi Lothaire.
À sa mort, son fils Albéric II (965-982) lui succède sur
l’ensemble de ses terres.
Vers 960-975, saint Mayeul, abbé de Cluny, confie à la garde
de Humbert de Beaujeu, et avec l’approbation du comte Albéric, les terres de
Pouilly.
Nous savons peu de chose sur ce comte, Albéric II, mais à sa
mort le comté de Mâcon va changer de famille. Sa veuve Ermengarde de Roucy épouse
Otte-Guillaume vers 982, ses deux enfants, Albéric et Liétaud disparaissent
vers 981 et Otte-Guillaume récupère ses terres.
À partir de 982, c’est Otte-Guillaume qui hérite du comté;
là aussi les événements de ce personnage ont déjà été évoqués dans les
chapitres du duché et du comté de Bourgogne.
En 990, Milon et Ermengarde, fille de Aubri II, font un don de
biens à Loché dans le Mâconnais, puis un second don en 994 à Laizé toujours
dans le Mâconnais.
Otte-Guillaume donne le comté de Mâcon et celui d'Escuens à
son fils aîné Gui Ier (995-1004). Celui-ci épouse une fille de Béatrix,
fille d’Aubri II.
À la mort de son fils aîné, Otte-Guillaume partage ses
terres, Renaud (1006-1057), son second fils, reçoit les comtés d'Amous, du
Varais et du Portois et Otton (1006-1049), fils de Gui, reçoit le Mâconnais et
l’Escuens. Otte-Guillaume conserve ses droits sur les comtés de la Bourgogne
franque (Beaumont, Fouvent, Oscheret). Les comtes de Bourgogne conserveront
pendant longtemps de nombreuses terres ou suzeraineté sur des comtés situés
dans le duché de Bourgogne.
Henri II, empereur Germanique passe par Cluny, en 1014, après
son sacre à Saint-Pierre de Rome, en compagnie de l’abbé Odilon de Cluny qui
a assisté à cette cérémonie.
En 1018, Cluny obtient du roi Robert un édit de protection très
explicite qui interdit à quiconque de construire un château fort dans une zone
limitée par Chalon, Mâcon, Mont St Vincent, Charolles et Mont St Rigaud.
Le pouvoir comtal s’amenuise, les seigneurs de la région en
profitent pour obtenir une indépendance. On voit entre 1020-1030, les
seigneurs-châtelains de Beaujeu, Berzé, Bâgé, Brancion, la Bussière et
Uxelles renforcer leurs châteaux et astreindre les hommes libres de leur
district à leur apporter leur hommage, dû naguère au comte.
Une famine si violente ravage la Bourgogne, en 1028, qu’on
vend de la viande humaine. Une chronique raconte que près de Mâcon, un hôtelier
arrêtait et dévorait les voyageurs, quarante-huit têtes d’hommes furent
trouvées chez lui, le comte Otton le fit arrêter et on brûla le coupable.
Dans la même période, l’abbaye de Cluny conserve toute son
autorité. Ainsi vers 1040-1050, saint Hugues, abbé de Cluny, jète l’anathème
sur Bernard Ier, sire de Brancion, qui vient de faire construire la
forteresse d’Uxelles, dans une zone interdite par édit royal. Le coupable
arrivé à un âge avancé pris peur du jugement dernier et sollicite le pardon
de l’abbé. Hugues est inflexible et oblige Bernard à aller à Rome
solliciter le pardon auprès du pape. Bernard meurt lors du voyage retour.
L’exemple est profitable et pendant un siècle les sires de Brancion laissent
tranquille l’abbaye.
Geoffroy (1049-1065) le fils de Otton lui succède sur le comté.
Comme ses prédécesseurs, le comte doit faire des concessions territoriales
afin de ménager les seigneurs voisins.
Le jour de Pâques de l’année 1051 (le 31 mars), le fils de
l’empereur Henri III, Henri, est baptisé dans la cathédrale de Cologne, en
présence de l’abbé Hugues de Cluny, son parrain.
Gui II (1065-1078), le fils de Geoffroy succède à son père.
Début 1073, Drogon évêque de Mâcon meurt. Le clergé avec
l’accord du comte de Mâcon nomme Landéric de Brézé, archidiacre d’Autun.
Philippe Ier, roi de France, approuve l’élection, mais interdit à
quiconque de sacrer le nouvel élu tant qu’il ne lui paye pas un droit pour
son investiture. Le pape Grégoire VII (1073-1086) intervient, il ordonne à
Humbert, archevêque de Lyon de sacrer Landéric et mandate l’évêque Rodin
de Chalon d’informer le roi de cette décision et de lui adresser une réprimande
sur son comportement, le roi s’incline.
Gui est présent à l’assemblée de Bèze tenu par le duc
Hugues de Bourgogne, en mars 1076.
Le comté de Mâcon au XIème siècle
Le comte est présent au côté du duc en février 1078, au château d’Avallon.
Puis la même année, par une résolution singulière en ce temps spirituel, le
comte, ses fils et trente chevaliers se rendent à Cluny et prennent les ordres.
Leurs femmes font de même en entrant au couvent de Marcigny. Ils suivent
l’exemple du duc et font vœu de pauvreté.
Les comtes de Mâcon et de Bourgogne
En 1078, le comte de Bourgogne Guillaume Ier (1057-1087), le petit-fils de Otte-Guillaume, récupère les droits de son
cousin Gui II, sur le comté de Mâcon. Il les lègue sept ans plus tard à ses
deux fils, Renaud II (1085-1105) et Étienne Ier (1085-1102).
Cette co-seigneurie sur le comté est effective jusqu’en
1156. Les comtes de Bourgogne sont également comtes de Mâcon.
Vers 1097, les moines de Tournus détournent à leur profit des
retenues sur la Saône, pour la pêcherie, appartenant aux moines de Cluny.
L’abbaye en appelle à Humbert de Beaujeu pour traiter le différent, celui-ci
condamne l’abbé de Tournus à restituer les pêcheries. L’abbé refuse
d’appliquer le jugement, Cluny en appelle au pape, qui confirme la sentence et
demande au comte Étienne d’exécuter le procès. Une réunion est tenue à Péronne
sous la présidence du comte, et l’abbé de Tournus consent à rendre les pêcheries.
Le comte de Mâcon est
un seigneur puissant et indépendant, d’autant que son comté se situe à
cheval sur le duché de Bourgogne et le royaume de Bourgogne. Il est en réalité
contrôlé par personne. Il est fier aussi d’avoir sur ses terres l’abbaye
de Cluny et l’archevêché de Besançon.
Étienne devient régent
du comté de Bourgogne durant le séjour de son frère Renaud en Terre sainte.
Il se croise à son tour, mais il est fait prisonnier et massacré par des
archers en 1102. D’autres nobles, ont suivi l’exemple des comtes, ainsi
Archambaud, vicomte de Mâcon, engage ses possessions en deçà de la Loire,
auprès de Humbert de Beaujeu, pour réunir les sommes nécessaires à son expédition.
Renaud III (1102-1148)
et Guillaume IV (1102-1155), les deux frères héritent de leur père Étienne Ier,
et partagent le pouvoir avec leurs cousins, Guillaume II (1105-1125) et
Guillaume III (1125-1127), le fils et le petit-fils de Renaud II.
Vers 1120, Guillaume
IV épouse l’héritière de la seigneurie de Traves, Alice, fille de Thibaud
de Traves, premier connétable du comté de Bourgogne.
Guillaume IV hérite
du comté d'Auxonne en 1127.
Guillaume répond à
l’appel de Bernard de Clairvaux qui prêche en 1146, une nouvelle croisade. Le
comte se distingue dans les combats, il reste deux ans en Terre sainte
(1147/1149). À la mort de son frère Renaud, il devient régent du comté de
Bourgogne en 1150. Il tente de se faire reconnaître comte de Bourgogne, mais il
doit céder devant l’empereur Frédéric Barberousse en 1152.
Il lègue le comté
d'Auxonne et la seigneurie de Traves à son fils aîné Étienne II (1155-1173)
et le comté de Mâcon et les salines de Lons le Saunier, à son second fils Gérard
ou Girart Ier (1155-1184) ; le comté de Bourgogne revenant à
sa nièce Béatrice Ière (1152-1184), la fille de Renaud III.
Les comtes de Mâcon et de Vienne
À partir de Gérard (Girart), les comtes de Mâcon prennent également
le titre de comte de Vienne, titre purement nominal, qui pourrait avoir été
apporté par un aïeul de sa mère Marie de Salins.
La période du XIème au XIIIème siècle
se caractérise dans le comté de Mâcon, par des troubles continuels qui sont
le fait des seigneurs locaux; les plus remuants sont les sires de Brancion qui
livrent une véritable guerre aux moines de Cluny. Ils profitent de l’éloignement
géographique du roi de France, mais également du système féodal, le comte de
Mâcon leur suzerain direct est vassal du duc de Bourgogne et du roi de France,
mais surtout de l’empereur Germanique pour ses possessions outre Saône, qui
sont importantes. L’empereur Frédéric Barberousse, dans sa lutte contre la
papauté, attise les querelles en sous-main.
Girart opère des razzias sur les terres de l’abbaye de
Tournus en 1157.
En 1166, un pacte est scellé entre le comte Guillaume Ier
de Chalon, le comte Girart de Mâcon, le sire Humbert III de Beaujeu et le
vicomte Artaud de Dun contre les clercs et religieux de Cluny. Ils mettent le siège
devant la ville et leurs partisans passent au fil de l’épée un certain
nombre d’habitants et de moines, l’abbaye est pillée. L’abbé Étienne
fait appel au roi de France Louis VII, qui intervient pour rétablir l’ordre
et contraint les seigneurs à offrir réparation à l’abbaye. Pour s’assurer
de sa sécurité, l’abbaye cède au roi de France une partie de ses terres à
Saint-Gengoux, où s’installe une garnison royale, qui s’appellera
Saint-Gengoux-le-royal (qui deviendra Saint-Gengoux-le-national à la Révolution
Française).
Mais à peine le roi est-il parti, que le comte de Mâcon Gérard
aidé par Humbert III et Artaud se querellent contre Renaud de Bâgé, frère de
l’évêque de Mâcon, Pons de Villard, et Raymond III, comte de Forez. Le roi
intervient de nouveau dans le comté pour mettre à la raison le comte de Mâcon Girart et ses alliés.
Vers 1170, Gérard de Mâcon et son beau-père Gaucher de
Salins sont en lutte également contre le nouveau comte de Bourgogne, Frédéric
Barberousse, empereur Germanique. Suite à un conflit, mal définit, Gérard
perd le château et les terres d’Orbe et de Vadans. Frédéric donne ces
terres, au comte de Montbéliard, Amédée de Monfaucon, fidèle de
l’empereur.
En 1172, le comte Gérard qui n’a pas accepté
l’intervention royale sur son comté, consent enfin à déclarer son hommage
au roi par un acte passé au château de Vinzelles. Les deux vassaux les plus
puissants du comte, les sires de Beaujeu et de Brancion, contresignent cet acte,
et s’engagent à se mettre au service du roi, si le comte l’enfreint.
Gérard assiste en 1178, à la diète impériale qui se tient
à Besançon.
Le comte de Mâcon profite de l’arrivée au pouvoir de
Philippe Auguste, jeune roi de quinze ans, pour reprendre ses agressions contre
les religieux. En 1180, le roi de France Philippe Auguste intervient dans le Mâconnais
à la demande de Thibault, abbé de Cluny, pour calmer les ardeurs du comte Gérard,
et de ses alliés Jocerand de Brancion et Guillaume II de Chalon. Girart se
replie sur sa forteresse de Dun, le roi en fait le siège, mais sans qu’il en
donne l’assaut, le comte se rend. Philippe Auguste dicte ses volontés, et un
traité est signé au château de Lourdon par les protagonistes, une des clauses
ordonne la démolition du château-fort de Dun.
Vers la fin de sa vie, Girart fait amende honorable, en
distribuant des aumônes aux monastères.
À la mort de Gérard, le comté de Mâcon va à son fils aîné
Guillaume V (1184-1224), la seigneurie de Salins, qui vient de l’héritage de
son épouse Marie de Salins, à son second fils Gaucher IV (1184-1219), et la
seigneurie de Vadans à son troisième fils Gérard.
Guillaume se rend en 1189 à la cour impériale d’Henri VI à
Bâle.
En 1190, le roi de France, en route pour la troisième
croisade, qui part de Vézelay, traverse le comté. Il semble que le comte de Mâcon
a repris son autorité avec l’acquiescement du souverain. Gaucher IV participe
à cette croisade, il s’illustre à la bataille de Saint-Jean d’Acre.
Guillaume est témoin en 1193 du litige qui oppose le duc de
Bourgogne au comte de Bourgogne, au sujet de l’hommage dû par le comte vis à
vis du duc, pour les terres qu’il possède dans le Mâconnais. L’empereur
qui est l’arbitre de ce jugement, donne raison au duc. Le comte Guillaume
signe l’acte en tant que témoin.
Guillaume participe aux côtés de son cousin Étienne III de
Chalon dans sa lutte contre Othon II de Bourgogne entre 1208/1211.
Entre 1217/1218, Guillaume s’empare des terres d’orbe, on
se rappelle que son père les avait perdues au profit de l’empereur.
Son fils aîné, Gérard meurt avant lui, l’héritage du comté
est destiné à sa petite-fille Alix, fille du défunt. Renaud, frère de
Guillaume, assure la tutelle de sa petite-nièce, puis à son décès, c’est
au tour d’Henri, frère puîné de Gérard, d’exercer cette tutelle. Mais
lui aussi décède rapidement en 1233. Guillaume, troisième fils du comte
Guillaume V, destiné à l’Église, et excommunié récemment par le pape,
quitte sa condition ecclésiastique, pour perpétuer la descendance des comtes,
mais sans succès.
La fin du comté
La fille de Gérard, Alix (?-1239) hérite du comté et épouse
Jean de Braine (?-1239) fils du comte de Dreux Robert II. Jean est également
l’arrière-petit-fils du roi de France Louis VI. Fort de cette ascendance
royale, Jean aspire à un retour d’indépendance plus importante du comté.
Aussi est-il de toutes les conspirations nationales qui ont lieu pendant la régence
de la reine mère, Blanche de Castille.
En 1231, il enlève le château de La Roche de Solutré qui
appartient à l’évêque de Mâcon, et fait même arrêter et emprisonner ce
dernier. L’évêque utilise sa seule «arme» : l’excommunication. Jean
libère son prisonnier et lui restitue le château.
En 1236, Jean change d’attitude, il reconnaît le roi de
France saint Louis comme son suzerain, en l’abbaye de Tournus, et en présence
du représentant du roi, l’évêque de Chalon-sur-Saône, Guillaume de la
Tour.
En 1237, Jocerand IV de Brancion libère Cluny du danger
constitué par le château de Boute-Avent construit par ses aïeux à une lieue
et demie de l’abbaye, en l’échangeant contre l’un des prieuré de Cluny,
celui de Beaumont, situé dans la basse vallée de la Grosne, et en recevant de
l’abbé la somme de mille cinq cents marcs d’argent. Jocerand accompagnera
saint Louis à la croisade et mourra à Mansourah en Égypte, aux côtés de son
roi en 1248.
Sans descendance, Jean et Alix vendent le comté au roi pour 10
000 livres en capital et 1 000 livres de rente en février 1239. Jean meurt en
1239 en Terre sainte à Tripoli (en Syrie), Alix se retire à l’abbaye du Lys
près de Melun et décède vers 1260.
Alix confirme en 1241, la vente du comté de Mâcon, et cède
son titre de comtesse de Vienne, à son cousin Hugues d’Antigny, fils de Béatrice
de Mâcon, sa tante.
Saint Louis nomme un bailli qui le représente dans le comté.
Ce dernier s’installe dans le château comtal de Mâcon. Saint Louis séjourne
par deux fois dans son comté, en 1245 et 1246. Le comté devient une terre
royale.
Cette page vous plait, vous pouvez la tweeter
|